Il y a des moments où l’observation de la France du XXIe rappelle assez nettement l’Union Soviétique.
Je veux parler des « tracasseries administratives », que j’ai personnellement connues, jadis, à l’Est, où les journalistes occidentaux n’étaient pas précisément persona grata.
L’aventure que je vais vous conter, vécue il y a peu, en France, concerne un simple particulier, dont la « faute » présumée, qui lui fut un moment reprochée, portait sur l’usage qu’il faisait de l’une de ses créations d’ordre « artistique et littéraire »
Disons, pour ne gêner personne, que ce quidam avait créé, de toutes pièces, un logiciel original , et qu’il en faisait céder la licence à qui le voulait, contre perception d’un forfait de droits d’auteur, comme il se doit en la matière.
Cette pratique, qui consiste à céder, à titre onéreux, une licence, à l’usager final d’une œuvre originale, est connue et encadrée par la législation, ce n’est pas Microsoft qui dira le contraire.
Notre homme, instruit des lois concernant sa pratique, faisait remettre une copie de sa création à celui qui en réclamait l’usage, et accompagnait cela d’une autorisation, rédigée en forme de « contrat de licence à l’utilisateur final », dans le plus pur style de celles dont nos ordinateurs sont truffés.
Dans le texte de cette licence, conforme auxdispositions de la législation sur la Propriété Intellectuelle, figurait une « quittance » du montant du droit d’auteur payé par l’usager, le tenant, au pied de la lettre « quitte » du versement des légitimes droits patrimoniaux dus à l’auteur. Quoi de plus normal, de plus légal ?
Une « quittance de droits d’auteur » est une pièce comptable des plus banales, et la Sacem n’en a pas l’exclusivité.
Bien sûr, que je sache, cette manière de procéder n’est pas le fait du plus grand nombre, et ce sont en général de grandes « sociétés », ou diverses entités commerciales, qui, vendant un ensemble de marchandises et de prestations, recueillent au passage les droits d’auteur, pour les reverser à qui de droit, sans d’ailleurs les mettre en exergue, dans leurs factures.
Il est vrai qu’on voit, sur des factures, la mention « dont TVA », mais jamais, ou quasi, « dont Droits d’auteur », et c’est peut-être dommage, mais mon propos n’est pas là.
Figurez vous que la Répression des fraudes, un beau jour, ex abrupto, a interpellé cet auteur, au motif qu’il « aurait facturé » des prestations, alors qu’on ne lui connaissait pas de registre du commerce…
Le noble établissement l’a mis en demeure de produire sa comptabilité des trois dernières années, et tout le saint frusquin dédié aux aspirants contrevenants, qui ont cru pouvoir travailler « en douce » , et sans compter sur la délation, devenue, de nos jours, publique et manifeste, notoire sous l’occupation, et institutionnelle en régime bolchevique.
C’était sans compter sur les savoirs du présumé coupable, qui est parvenu à damer le pion à Big Brother, lequel lui a, dans le feu de l’action, il faut dire, tendu une perche magistrale.
Sans se démonter, l’artiste a répondu qu’il n’était tenu d’avoir aucun registre du commerce, et qu’il n’avait jamais facturé l’ombre d’un centime à quiconque.
La réponse n’est pas tardé, signée de « l’inspecteur principal » :
« Je détiens une licence quittancée, signée de votre main, pour un montant de… » Et, il s’en est suivi une convocation impérative, au motif de « fournir des éclaircissements », à la toute puissante Administration.
Le cas, en fait, était tout simple : Les ayants droit de l’artiste (éditeurs) distribuaient le produit le plus légalement du monde, encaissaient le droit d’auteur dû, et remettaient aux usagers les licences quittancées, revêtues de la signature personnelle de l’auteur, qui avait exigé cette pratique, comme moyen de contrôle.
Tout était bien en règle, la licence quittancée ne constituant en aucun cas une « facture » et la simple qualité de « cédant de licence » de l’auteur n’emportant pas constitution d’une prestation de services.
Devant ces justifications, bien légales, la Gestapo (pardon, je me trompe d’époque) la Répression des fraudes, veux-je dire, a dû convenir qu’il n’y avait nulle fraude.
Bon, l’Administration a confondu, un moment, « licence » avec « facture », au vu de la partie « quittance ». On peut se tromper. Ce qui est un peu ennuyeux, c’est de constater qu’un organisme répressif se trompe ainsi, devant un cas somme toute simple, et qu’avant de vérifier quoi que ce soit, il se conduise de inmediato en inquisiteur, mais, passons, vous n’avez lu que le début de l’histoire.
Notre artiste créateur, bien à l’opposé des voleurs de poules et de bicyclettes, toujours en butte à la peur du gendarme, sûr de son bon droit, et instruit de celui-ci, ayant très moyennement apprécié la prestation menaçante dont il a fait l’objet, s’est permis de demander à l’inspecteur principal en question, de lui dénoncer son délateur, à toutes fins utiles.
Bien entendu, un refus formel lui fut opposé, la Répression des fraudes n’étant pas tenue de dénoncer les dénonciateurs.
C’est là où l’affaire s’est corsée, mais pas dans le sens que l’on aurait pu subodorer.
Notre homme a exhibé à l’inspecteur la lettre où ce dernier lui écrivait : « Je détiens une licence quittancée, signée de votre main », laquelle lettre ayant été postée en recommandé avec avis de réception, dans les règles, et constituant un écrit probant, à raison de ce qui y était exprimé.
L’inspecteur n’a pas contesté le fait, ne voyant pas, à priori, où « le client » voulait en venir.
Mais il a fait une drôle de tête (l’inspecteur), quand on lui a fait observer que le document en question, la licence, était un formulaire informatique, élaboré de la main de l’artiste, relativement sophistiqué, doté d’une certaine esthétique, et où figurait en toutes lettres la mention de Copyright du créateur © le millésime, et la mention « reproduction interdite »
Mais oui. Non content de créer dans l’informatique, notre artiste était aussi créateur de textes et de graphismes de son cru, ressortissant en cela de la protection de la Propriété Littéraire et Artistique, tant pour le logiciel, que pour la formulation de la licence.
En conclusion, le dénonciateur initial, en dupliquant le document, non pas « pour l’usage privé du copiste », comme la loi l’y eût autorisé, mais pour le diffuser aux tiers, ne fût-ce qu’à un seul exemplaire, avait enfreint le Code de la Propriété Intellectuelle, au sens de ses articles L 335-2 et L 335-3. Il était un contrefacteur, menacé par la loi d’une peine de 3 ans de prison et de 300 000 euro d’amende.
Et la Répression des fraudes venait d’en fournirla preuve formelle à l’auteur légitime.
Ladite Répression des fraudes, en l’occurrence, s’étant placée dans une position de receleur de contrefaçon, stricto sensu.
Dans ce contexte, le refus de dénonciation n’était plus un problème : L’artiste a averti qu’il se réservait la faculté de porter plainte, contre inconnu, avec constitution de partie civile, pour contrefaçon, en fournissant au Procureur, comme preuve, la lettre de l’Administration.
Cette dernière pouvant être sommée par l’autorité judiciaire de nommer le contrefacteur en question, qu’elle connaissait de façon sûre, d’une manière plus comminatoire que par la demande d’un simple citoyen.
Je vous passerai les détails qui ont suivi. Notre artiste n’a pas été inquiété, vous vous en doutez, et le KGB (pardon encore), je veux dire la Répression des fraudes, l’a salué chapeau bas, trop contente de se débarrasser de lui.
Je voudrais simplement vous faire observer ceci :
Il paraît que « nul n’est censé ignorer la loi »
Mais, faut il, au delà, conclure qu’une Administration, et répressive par surcroît, essentiellement chargée de faire respecter un cortège de lois connu sous le nom de « Code de la Consommation » se trouverait, de ce fait, déliée de toute obligation issue des autres lois en vigueur ?
Surréaliste, non ? Voilà des gens prêts à vous faire traîner devant les tribunaux, pour tout manquement qui serait le vôtre, aux lois qu’ils connaissent, et qu’ils ont mission de faire appliquer, mais qui ne se gênent pas pour enfreindre allègrement, eux, d’autres lois, nonmoins républicaines, et qu’apparemment, ils méprisent, pour ne pas les connaître.
L’histoire vraie que je viens de vous conter a un côté inquiétant. Ceux là même qui vous opposent les foudres de la loi « qui les arrange », passent outre les lois qui vous protègent.
La toute puissance de Big Brother. La loi du plus fort. L’ignorance populaire. Appelez çà comme vous voulez, mais je garde mon opinion : Système soviétique.
comme dans tous les messages de Didier FERET, et avec l'appui de GOOGLE, il nous faut réserver une part de notre attention aux artistes, inventeurs, créateurs, avec et sans brevet, avec déclaration d'auteur, copyright et prototypes) (www.copyrightconsulting.com)
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