Le système bancaire français est devenu paranoïaque.

Un leitmotiv banal, depuis des années, nous martèle que l’Administration, et toutes les grandes institutions, travailleraient à la simplification des démarches, imposées au citoyen, à tous propos, dans le cadre de la bureaucratie galopante qui croît et embellit chaque jour.

Je viens d’en faire l’expérience, avec une grande banque française, la Société Générale, pour ne pas la nommer.

Il se trouve que je suis client de cet établissement depuis une trentaine d’années, et que, globalement, j’ai n’ai pas eu à me plaindre de ceux là, plus que des autres, pour ce qui est de mes activités en France.

Mais voilà : Le monde évolue, et il faut bien s’adapter. En conséquence, je me suis attaqué à l’utilisation du système Internet, proposé par tous les banquiers, de nos jours, que la Générale appelle « toute votre banque en ligne », pour sa part.

Je dois préciser que, bien que Français, j’ai des activités dans plusieurs pays, et il se trouve que, pour convenances personnelles, je réside et travaille, le plus souvent, en Belgique.

La Belgique, voyez vous, notre proche voisin, fort francophone par surcroît, est passée au système de « banque chez soi », par Internet, bien avant la France, et je manipule mes (modestes) finances, au sein du plat pays, grâce à mon ordinateur, et sans difficulté, depuis l’aube des années 2000.

En Belgique, on n’a pas de carnet de chèques, depuis bien longtemps. Ce système n’y est pas en honneur, et on n’y connaît nul « chèque en bois ». On a « quelques sous » en poche, pour les petites dépenses quotidiennes, une carte bancaire, comme tout le monde, et, lorsqu’il s’agit de sommes relativement élevées, l’usage veut qu’on procède par virements de compte à compte.

Depuis longtemps, donc, je me suis habitué à virer régulièrement le montant de leur dû à divers fournisseurs, et autres créanciers. Hier, par exemple, j’ai viré au Trésor public belge quelque 50 €, au titre d’une « taxe provinciale ». Routine. Chose normale, quelques clics.

J’ouvre le logiciel adéquat, à l’aide de mes « clés de sécurité », mon compte m’apparaît, et je n’ai qu’à renseigner le champ informatique qui me demande le numéro de compte sur lequel j’entends envoyer une somme. Je mets donc les coordonnées du compte bénéficiaire, la somme, et je valide, à l’aide de mes clés électroniques.

Il me faut environ une minute, pour virer dix euro ou dix mille euro, fonction de mes moyens et de mes besoins.

A la Générale, çà ne s’est pas passé ainsi. Première mauvaise surprise, leur interface a tout d’un pavé de publicité, où 90% de l’écran est consacré à leur promotion. Il faut chercher le petit cadre qui s’intitule « accès abonnés ». Un détail, me direz vous, mais quelque peu significatif : On confond matraquage commercial, avec logiciel fonctionnel.

Chez mes Belges, l’écran me demande directement mes identifiants, sans m’abrutir de pub, puis net mon compte en ligne, sans palabres.

Derrière l’écran publicitaire, intempestif, la Générale vous demande vos codes, quoi de plus normal. On notera que leur système de « clavier virtuel », dans le plus pur style « anti spam » bas de gamme, nécessite des capacités acrobatiques. Le système belge, lui ne m’enquiquine pas avec çà, qui me demande les coordonnées de ma carte bancaire… Chacun sa façon.

C’est quand j’ai voulu faire mon premier virement que les choses se sont gâtées.

Figurez vous qu’il est impossible de virer l’ombre d’un euro à qui que ce soit, sans satisfaire à une longue procédure d’enregistrement des coordonnées du compte bénéficiaire, pendant laquelle on doit rester, du point de vue Internet, « en ligne », d’un côté, et, d’un autre, il faut disposer d’un téléphone portable, à l’opérateur strictement français (c’est exigé explicitement).

Plus encore : Il faut donner ses jour, mois et année de naissance, diverses autres babioles, et envoyer un SMS

On doit attendre la réponse, qui donne un « code » Simple, non ?

Donc, il faut connaître bien des codes, disposer d’un ordinateur qui accepte les « pop up », disposer d’un GSM français, et savoir se servir de tout çà, sans compter que le coût du SMS n’a rien de promotionnel. Il serait également recommandé de ne pas avoir de problèmes, au niveau de la vue, et de disposer de quatre mains, de préférence. Heureusement, mon épouse est venue à mon secours, qui a, bien plus que moi, l’habitude des SMS

Bref, il m’a fallu une bonne demi heure, pour envoyer quelque quatre cents euros à un brave notaire, et après m’être fait « jeter » plusieurs fois par le système.

Ah oui : Il est interdit de rester perplexe plus de dix minutes devant l’écran : Passé ce délai, il faut reprendre la procédure à zéro…

C’est à partir de là où j’ai commencer à tenir la Générale pour quelque peu paranoïaque.

Oh, je sais : On vous parle de « Sécurité ». Facile ! La vérité est moins noble.

D’abord, on vérifie tout mouvement, dans un style parfaitement soviétique, tant côté payeur que côté bénéficiaire, et on vous impose d’outrageuses manipulations, en prime, comme si, bien entendu, vous n’aviez que çà à faire.

En d’autres termes, non contents de vous ponctionner force « frais de gestion », la banque vous fait faire son boulot.

C’est assez génial : On paye la banque,et on fait son travail à sa place, un travail compliqué et même tordu.

J’ai parlé, plus haut de « simplification », non ? Eh bien, nous y sommes.

En fait, ce « modernisme » est dissuasif. Les technocrates, à force de se « blinder », contre tous leurs fantômes, en l’occurrence, le blanchiment d’argent, et sous la houlette du grand Big Brother de Bercy, se permettent de mettre le peuple en coupe réglée, à leur profit, et chaque jour davantage.

Complètement stupide le système Internet de la Société Générale. Et ne pensez pas que j’en veuille particulièrement à cet établissement, qui, dans le passé, m’a correctement servi.

Je me permets aussi d’imaginer que, du côté des autres, çà peut être pire.

Çà me remémore un conflit banal, que j’ai eu avec eux, il y a déjà quelques années, sur un autre point, à propos de quoi mon directeur d’agence m’a suggéré de changer de banque, face à ma mauvaise humeur ponctuelle. Facile, hein ? « T’es pas content de moi, alors, va donc te faire pourrir la vie à côté… »

Mais, je ne l’ai pas, à l’époque, pris sur ce ton, et j’ai rétorqué que, banque à la noix, pour banque à la noix, je garderais mon enquiquineur d’origine… Ils ne se sont pas débarrassés de moi comme çà, car, vous l’avez compris, je suis un « petit » client, mais honnête et solvable, et j’ai le droit d’exister

(A ce propos (le vieux conflit), il se trouve que ces Messieurs se sont permis de venir me chercher sur le terrain judiciaire, en raison de blagues faites par eux, et que le Tribunal les a condamnés, pur et dur)

A la suite de quoi, j’ai eu une assez longue période de tranquillité de fonctionnement…

Heureusement, moi, je ne suis pas paranoïaque, et je ne me suis pas fourré dans l’idée qu’ils ont inventé leur système Internet complètement dingue, juste pour m’amener spontanément, à leur tirer ma révérence.

Je suis, donc, désormais, en France, toujours client de la Générale, car on ne se débarrasse pas de moi comme çà !

Dernier détail : Agacé, j’ai voulu, après mon virement acrobatique, en effectuer un second, afin de rapatrier mes modestes avoirs « sociétégénéralesques » sur mon honnête compte belge.

Que nenni, Messeigneurs : Le virement international n’est pas au programme. Pas question de sortir tes sous, mon petit : Ils doivent rester bien sagement dans l’hexagone.

Il me plairait de savoir, cher lecteur, que vous avez compris pourquoi ce qui reste de Français lucides et performants, montre une forte tendance à évacuer la mère patrie.

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