L'Euro n'a pas tout à fait cours légal en France

Apparemment, l'euro, notre monnaie unique européenne, n'a pas cours légal de la même manière dans tous les États de l'Union.

L'un de mes amis belges en a fait l'expérience récemment, pour avoir connu une petite mésaventure, heureusement pour lui, sans grandes conséquences, mais bien révélatrice.

Cette personne vient d'acquérir une petite résidence de vacances, en France, et il s'est rendu chez le notaire de la localité, pour procéder à la signature des actes adéquats. Rien que de bien normal.

Les fonds correspondant au principal de l'acquisition avaient été légalement transférés par l'acheteur, sur le compte que le notaire lui avait désigné, ceci dans les formes légales, tant sur le plan juridique que sur le plan fiscal. Tout était en règle.

A la fin de la cérémonie rituelle des signatures, le notaire a fait valoir à l'acquéreur que celui ci demeurait redevable de quelques centaines d'euros, en raison de divers détails: Provision sur les charges de co propriété, remboursement d'une quote part de l'impôt foncier, au prorata temporis, provision pour les fournisseurs d'énergie, etc. Des détails.

Il faut savoir qu'en Belgique, l'usage du chèque a été abandonné depuis longtemps, au niveau des particuliers, qui règlent leurs menues dépenses en espèces, leur vie quotidienne au moyen de cartes de crédit, et leurs débours importants par virements.

Mon ami ne disposait donc, face au notaire, ce jour là, comme moyens de paiement courants, que d'un billet de deux cent euros, et de sa carte de crédit internationale habituelle "Maestro", très utilisée dans son pays.

Le notaire lui fit savoir qu'il n'était pas équipé pour recevoir des paiements par carte de crédit, et qu'en absence de chèque, rien ne s'opposait à ce que le client règle en espèces.

La somme réclamée excédant assez largement le montant dont le client disposait sur place, ce dernier déclara qu'il pouvait se rendre tout simplement au plus proche distributeur de billets, retirer des espèces, et effectuer son règlement contre reçu.

Le notaire ne fit pas d'objection, indiqua l'adresse d'un distributeur, à quelques pas de son étude, et l'intéressé se rendit sur place, pour faire son retrait.

Une première déconvenue l'attendait: La carte bancaire dite "Maestro" ne figurait pas au nombre des cartes acceptées par la banque concernée…

Notre homme ne désarma pas, et se rendit à un autre guichet, non loin de là, pour y trouver, cette fois, un distributeur qui connaissait son moyen de retrait.

Il souhaitait sortir la somme de 800 €, dans la mesure où le solde de son compte le permettait, et où l'autorisation quotidienne de retrait attribué à sa carte était de 1000 €

Seconde déconvenue: Le distributeur ne lui permit pas de retirer plus de 500 €. L'intéressé les réclama, faute de mieux, et les obtint, mais en coupures de 20 €, le distributeur, apparemment, n'étant pas prévu pour délivrer des billets d'un nominal plus élevé.

Il tenta de renouveler l'opération, pour sortir les 300€ supplémentaires qu'il lui fallait, mais la machine refusa, lui signifiant que le quota quotidien qu'il pouvait obtenir avec sa carte était, pour ce qui concerne ce distributeur, strictement limité à 500 € par jour.

Revenu chez le notaire, il s'expliqua, et l'officier ministériel, compréhensif, lui suggéra de demander à son épouse, qui ne pouvait manquer de disposer, elle aussi, d'une carte de crédit personnelle, d'aller retirer le solde nécessaire, ce qu'elle fit sans difficulté.

L'affaire se solda ainsi, entre le notaire français et l'investisseur étranger, par la vertu de la remise d'une belle liasse de 40 billets bleus…

Mon ami belge, me contant cela, s'est ouvert de son étonnement devant de telles restrictions, en m'expliquant qu'en Belgique, les distributeurs de billets donnent le choix des coupures, et qu'il est parfaitement possible, en cas de besoin, de sortir 1000 € en deux billets de 500.

Il me précisa que les caissières des supermarchés acceptent aussi les "grosses coupures", sans hésiter, et rendent la monnaie dessus, dans la mesure où chaque caisse est équipée d'un détecteur de faux billets.

Mieux encore, me dit-il, les caisses des supermarchés belges fonctionnent aussi comme distributeur de billets accessoires, dans la limite de 200 € par opération. Ceci veut dire que vous pouvez acheter pour, disons, environ 50€ de marchandises, et réclamer un billet de 200 € à la caissière, contre un débit sur votre carte Maestro de 250 et des centimes…

C'est un autre univers.

Mais ce n'est pas tout. Intrigué par sa petite mésaventure, mon ami, s'en retournant vers son pays, a observé de plus près la question de la gestion de la monnaie, censée avoir cours légal en France, l'Euro, et constata divers détails restrictifs, au delà des distributeurs de billets, qu'il n'avait jamais eu l'occasion de remarquer ailleurs.

D'abord, il a pu vérifier que sa carte de crédit courante, la Maestro, qu'il utilise dans le Benelux, en Allemagne, en Espagne et autres lieux où il se rend relativement habituellement en Europe, est systématiquement refusée sur les autoroutes françaises, ainsi qu'une autre carte de crédit belge dite "Proton".

Sans vouloir y voir une discrimination venue des Français à l'encontre des Belges, il m'avoua qu'il ne trouvait pas ces pratiques très légales, bien qu'il ne soit pas juriste professionnel…

Aussi, il me raconta que presque toutes les caisses des boutiques d'autoroute, des hôtels et restaurants, en France, affichent un avis indiquant que les chèques ne sont pas acceptés.

Ceci ne l'a pas choqué outre mesure, n'étant pas usager du chéquier, quasi inconnu chez lui, mais lui a paru relativement surréaliste, dans un pays où, précisément, l'usage du chèque, au quotidien, paraît prépondérant.

Pourquoi les banquiers français vendent-ils des chéquiers à leurs clients, si l'usage en est refusé quasi partout ?

Mieux encore, mon ami m'a indiqué qu'il avait trouvé, à la caisse d'une boutique d'autoroute un avis indiquant que seules les espèces étaient acceptées, même pas les cartes de crédit, et ceci en coupures de 20€ exclusivement.

Mon ami en a conclu qu'il doit exister une législation particulière, spécifique à la France, quasi inconnue du grand public, qui ne peut que stipuler que seule la coupure de 20€ a cours légal dans ce pays, les autres étant considérées comme sans valeur.

Décidément intrigué, un peu plus tard, il est revenu en France, muni q'un honnête billet de 500 € que nul n'a voulu lui changer, même pas un guichet de banque, où il s'est entendu déclarer que l'on ne pouvait pas savoir s'il s'agissait d'un faux, en l'absence de tout moyen de contrôle. Les banques françaises n'ont sans doute pas les moyens de se payer des détecteurs de faux billets.

Et la cerise sur le gâteau fut la suivante: Intrigué et facétieux, mon ami s'est rendu au guichet d'une banque française, muni d'une somme de 500 € en billets de 20, qu'il a prétendu avoir retirés à l'instant d'un distributeur de billets, en demandant que l'on veuille bien avoir l'obligeance de les lui changer contre de plus grosses coupures, moins encombrantes dans son portefeuille. Faire de la monnaie, en quelque sorte.

L'employé du guichet lui a répondu que, d'une part, il ne pouvait faire aucune opération envers une personne n'étant pas cliente de l'établissement, et que, de toutes manières, le personnel ne disposait plus d'espèces, et certainement pas en grosses coupures.

Le seul moyen de se faire remettre des espèces en France, consiste à disposer d'une carte de crédit, et d'aller chercher des billets de 20€ au distributeur, dans la limite de l'autorisation attachée à la carte utilisée…

Les français seraient donc les seuls européen confinés dans l'usage du billet bleu.

J'ai cherché à en savoir plus, et me suis renseigné sur la notion de cours légal. Voici la définition qu'en donne Wikipédia:

"Qu'un moyen de paiement ait cours légal sur un territoire national signifie qu'une personne ne peut pas refuser de le recevoir en règlement d'une dette libellée dans la même unité monétaire. Le créancier doit accepter lesdits moyens de paiement pour leur valeur nominale.
Historiquement, les moyens de paiement que la loi (cours légal) est venue consacrer d'un pouvoir libératoire général sont le papier monnaie (billets de banque) et les pièces de monnaie, c'est-à-dire la monnaie dite fiduciaire. En revanche, les instruments de transfert de la monnaie scripturale, tels les chèques ou les cartes de paiement, ne bénéficient pas de cette force légale et peuvent donc, en théorie, être refusés par un créancier. L'expression cours légal ne concerne donc pas une monnaie ou unité monétaire mais seulement certains moyens de paiement qui peuvent lui servir de support.
Malgré tout, le cours légal est atténué par d'autres dispositions légales limitant son pouvoir libératoire. Il en est ainsi des dispositions obligeant un créancier à effectuer les paiements au-delà de certains montants par chèque ou virements. En outre, l'obligation faite au créancier de recevoir une monnaie divisionnaire ayant cours légal ne lui interdit pas d'exiger du débiteur de faire l'appoint."
On notera que nulle allusion n'est faite à la limitation qu'un pays pourrait faire de l'usage des billets ayant légalement cours dans une zone monétaire.

La restriction quasi générale, imposée de fait aux personnes agissant en France, de ne pouvoir utiliser que des billets de vingt euros, ne figure dans aucun texte de loi à ma connaissance. Cette pratique n'est donc pas légale.