Le pouvoir politique n'aime pas les journalistes

Il y a aujourd’hui quarante cinq ans, très exactement, je prenais mes fonctions de journaliste, au sein de mon premier emploi, dans un hebdomadaire de province.

Depuis, je n’ai jamais abandonné le métier, et me suis même permis d’écrire plusieurs dizaines de livres. Une vocation est une vocation.

Je lisais, la semaine passée, un « papier » paru dans « Le Monde » qui décrit l’existence de lourds « risques du métier », menaçant, de nos jours, notre corporation.

L’article se réfère aux années récentes. Un spécialiste dit : (je cite)

Johann Fritz, le directeur de l'IPI, (Institut International de la Presse) parle d'une véritable "guerre contre le journalisme". Il considère l'année 2006 comme "la plus sauvage et la plus brutale dans l'histoire contemporaine des médias".

C’est bien certain, mais cela n’est, malheureusement, pas vraiment nouveau.

Pour ma part, tout au début de la « grande guerre » du Liban, j’ai été retenu en otage dans ce pays, et en ai réchappé, certes. (il y a trente ans)

Je n’évoquerai pas la mémoire des correspondants de guerre, qui, trop près des combats, se font tuer, sans qu’on n’en parle trop, considérant sans doute cela comme « normal » eu égard aux fonctions exercées dans ce cadre.

Le journaliste a toujours été exposé. La violence humaine l’amenant à se trouver là où « le bât blesse », il est quasi inexorable qu’il se trouve plus souvent que le commun des mortels, exposé à des débordements, à des exactions.

Quelque part, je pense en effet que le risque est naturel, dans la profession, s’agissant de se trouver sur le théâtre « d’événements »

Par contre, là où il est nettement moins naturel, plus insidieux, pervers et plus dangereux encore qu’en « ligne directe », le risque du journaliste est un risque politique.

Le journal « Le Monde » parle du risque de voir les journalistes attaqués, ( et ce peut être de diverses manières, attaque violente, ou judiciaire), à propos de la notion de « diffamation des religions ».

Ce n’est encore qu’un aspect relatif des choses.

A moins de pratiquer l’auto censure, il est risqué de traiter d’innombrables sujets, notamment ceux qui sont en corrélation avec la ligne de conduite du grand « Big Brother », je veux dire le pouvoir politique établi, quel que soit le pays dont il s’agisse.

Si je me permets de traiter de considérations d’ordre ethnique, par exemple, en toute sérénité, et en corrélation avec des faits avérés, je sais qu’une épée de Damoclès m’attend, dans les notions exacerbées de « racisme, xénophobie, etc. »

Si je souhaite parler de « catégories », d’êtres humains, les homosexuels, par exemple, je flirte avec la pénalisation de « l’homophobie », une notion récemment imposée à la face du monde, et qui s’exprime par un mot encore si exotique, dans la langue française, que mon dictionnaire en ligne me le signale comme mal orthographié.

Si je voulais m’intéresser à l’industrie du tabac, par exemple, en mettant en exergue les difficultés diverses, économiques et humaines, que ce secteur d’activité, longtemps florissant, connaît aujourd’hui, nul doute que le puissant culte « anti tabac » que les gouvernements développent aujourd’hui, me vaudrait quelques risques de démêlés avec la Justice…

Et la liste est longue des sujets « néo tabous » qu’il faut aborder avec des pincettes.

Pratiquement, il nous faut, outre le maniement de la prudence élémentaire, touchant à notre sécurité directe, devenir également juristes, tant les interdictions sont nombreuses, et tant il est devenu facile de se faire reprocher l’apologie de quelque pratique humaine, devenue délictueuse, voire criminelle, par l’installation permanente de la « pensée unique »

J’ai fait l’expérience, à petite échelle, mais bien significative, de ces « risques politiques », dans l’exercice du journalisme.

Relativement récemment, j’ai développé des thèses, fondées, précisément, sur une lecture approfondie de textes de loi, ce qui m’a amené à informer un public spécifique de l’existence de possibilités aussi favorables que peu connues, voire soigneusement occultées, dont il pouvait bénéficier.

Les lois auxquelles je me suis référé existent, mais il se trouve que de puissants lobbies en exploitent d’autres, non moins établies, et mon information sur l’existence d’un contexte législatif plus favorable aux citoyens, moins onéreux à mettre en œuvre, n’a pas été du goût de « ces Messieurs »

Je me suis retrouvé, en France, face à la « Répression des fraudes », un organisme qui porte bien son nom, lequel a tenté de me convaincre de publicité mensongère, rien moins, ceci à la demande de délateurs anonymes.

C’est une face peu connue de la « guerre au journalisme »

Bien sûr, mes « sources » étaient inattaquables : Les textes de la loi, la loi de la République, parfaitement en vigueur, et, en outre, information professionnelle et publicité ne sauraient se confondre.

Je n’ai pas subi de « répression avérée ». Mais j’ai été, un moment, mis en cause, suspecté, convoqué, interrogé, pour avoir osé écrire dans la Presse que, contrairement aux mœurs courantes, l’usage de certaines dispositions législatives impliquant un coût financier important, pouvait se remplacer par l’invocation d’autres lois, aux effets comparables, et ceci, sans grands frais…

Dans l’ancienne Union Soviétique, on connaissait bien la notion de « tracasserie administrative », une manière sournoise de réduire le peuple en esclavage, au quotidien. Nous en sommes rendus là.

Conclusion :

Qu’ils s’agisse d’événements, plus ou moins brutaux, dont les auteurs, ou les instigateurs, ne veulent pas se voir « à la une » ou qu’il s’agisse des contours du totalitarisme hypocrite dans lequel nous sommes plongés, le journaliste est un « empêcheur de maltraiter », un dénonciateur public potentiel de toutes sortes d’exactions, dont on sent bien que les « puissances » en place se défient.

La « guerre au journalisme » est une réalité. Réalité de toujours, venue de tous ceux qui ont quelque chose à cacher, ou quelque chose à imposer.

Notre profession a été dénommée « le quatrième pouvoir », et, s’il y a une once de vrai dans cette formule, ne nous étonnons pas d’être traités en ennemis par les trois autres, tour à tour.
Le lien ci-dessous vous amènera dans les colonnes du journal « Le Monde » qui évoque la « guerre contre le journaliste »

http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0,36-901502,0.html

Pour ma part, après quatre décennies et demi de pratique, je ne baisse pas les bras, et engage mes jeunes confrères à tenir le coup avec courage, et dignité.

Didier FERET

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